Quelques considérations sur mon échange Erasmus, l’université française et la Suisse.

Je vous préviens, j’ai été très bavarde ! Bonne lecture ou bon courage ;)

C’est amusant car presque à chaque fois que j’ai dit que je partais en séjour Erasmus à Lugano, – précisant en Suisse italienne – j’ai eu les mêmes réactions : pourquoi ? tu parles déjà italien ! (pensant, de toute façon qui parlent italien à part les italiens ?). Ma réponse semblait un peu folle : bah pour améliorer mon anglais en fait… Allez, rangez-moi cet air dubitatif, j’va vous expliquer.

Pour les ignorants des échanges universitaires, il faut que vous sachiez que chaque fac a des accords avec d’autres facs dans le monde (mais pas toutes hein !) et ces accords concernent uniquement certains départements (dans mon cas, celui de communication). On ne peut donc pas partir où l’on veut ma bonne dame !

La principale motivation de mon départ (vous l’aurez compris), c’est d’améliorer mon anglais de façon significative afin que si je doive l’utiliser dans un cadre professionnel plus tard, je ne sois pas complètement larguée. Je l’avais déjà dit mais bosser dans la communication et ne pas savoir parler couramment anglais relève purement et simplement du suicide de sa carrière.

Je me voyais déjà dans une université britannique quand j’ai dû mettre mon nez dans la liste des accords de Paris 3. Désillusions, pas d’accords avec des universités anglophones pour les étudiants en communication. J’ai bien pensé à la Norvège ou au Danemark mais il fallait des bases dans la langue du pays – et j’ai eu moyennement envie d’apprendre le norvégien ou le danois, je le confesse.

De recherches en recherches, d’explorations en explorations de sites internet d’universités, je suis tombée sur l’Università Svizzera Italiana (USI pour les intimes – prononcez ouzi) de Lugano où les cours sont tous délivrés en anglais à partir de la première année de master. Parfait ! Je candidate. Le truc commun pour toutes les universités suisses c’est que l’on ne peut pas partir y étudier un an et je n’avais pas compris pourquoi jusqu’à ce que ma colocataire me dise le prix d’un seul semestre : près de 4000 euros. Vraisemblablement, il n’y a qu’en France où faire des études à l’université ne coûte pas très cher.

Vue sur le lac de Lugano depuis le Parco Civico

J’ai eu assez peur de ne pas être sélectionnée (une seule place par département et par université, maximum deux) mais une fois la bonne nouvelle annoncée, il a fallu chercher un logement. Au début, j’ai pensé à la chambre en résidence universitaire mais l’esprit campus ce n’est pas mon truc alors j’ai fouillé sur la page Facebook dédiée aux recherches d’appartements et de colocations pendant des mois et ce n’est qu’en octobre dernier que je suis tombée sur la perle rare, à savoir une colocation avec une jeune fille qui fait les mêmes études que moi, dans un appartement à cinq minutes à pied de la fac et dix du centre ville, une grande chambre meublée et confortable avec vue sur le lac et les montagnes pour un loyer plus ou moins similaire à celui d’une chambre en résidence universitaire ! Hop’, une visite virtuelle par Skype, un petit contrat signé et le soucis du logement envolé ! Parce qu’il faut bien le dire, trouver un endroit pour vivre pendant quelques mois n’est pas chose facile et ce n’est pas ton université d’origine qui va t’aider. En revanche, le Service des Relations Internationales de l’USI est très disponible. La responsable s’est enquise quelques mois avant mon départ de ma recherche en me proposant plusieurs offres de colocation. Tout le personnel est à l’écoute et une Orientation Week avait été mise en place pour faire visiter le campus, présenter les différents services, le département de communication, aller au Carnaval à Bellinzona, etc. ainsi qu’un Buddy Programme pour qu’on s’intègre plus facilement. Enfin, j’imagine que c’est comme ça un peu partout pour accueillir les nouveaux étudiants Erasmus mais j’ai été agréablement surprise par tant de disponibilité et d’intérêt.

Une des vues depuis la fenêtre de ma chambre – Monte Brè

Je suis donc plusieurs cours délivrés uniquement en anglais par une majorité de professeurs (suisses) italiens mais aussi américains. L’organisation est très différente de celle que l’on a en France puisque j’ai maximum deux cours sur une durée équivalente à un mois et demi, c’est-à-dire qu’en ce moment j’étudie deux thèmes : Corporate Identity and Image et Advertising and Branding à raison de deux à trois fois par semaine. Les cours durent au minimum deux heures mais le plus souvent quatre ! Ce qui est très looooong pour moi qui ne suis absolument pas habituée à ce rythme, d’autant plus que l’on peut avoir deux fois quatre heures du même cours dans une seule et même journée. C’est plutôt fatiguant et bien qu’il y ait de longues pauses et que les cours soient très interactifs (réflexion sur un cas pratique en groupe, échange dynamique avec l’enseignant). Ce type de fonctionnement s’apparente à des cours intensifs ; selon ma colocataire, cela permet de se concentrer sur deux sujets de cours maximum et de s’y consacrer entièrement pour bien les maîtriser. Le seul hic, c’est que tous les examens se déroulent mi-juin, quand les cours de février/mars sont bien loin derrière nous.

D’une manière générale, le contenu des cours est fait pour pouvoir être appliqué en milieu professionnel. J’ai revu des choses que j’avais déjà étudiées lorsque j’étais à l’ISCOM – en marketing et en image de marque notamment – et je note une différence de taille entre mon université d’origine (Paris 3, Sorbonne Nouvelle) et celle-ci. L’année dernière (en première année de master donc), les cours étaient terriblement théoriques. On forme des futurs chercheurs pas des communicants opérationnels une fois diplômés. Jamais, à Paris 3, on nous a appris à faire des présentations/recommandations (pourtant, si l’on veut bosser en agence ou même ailleurs, on devra forcément en faire, donc quoi ? On sera le boulet de service parce qu’on ne sait pas faire un Power Point digne de ce nom, quoi y mettre, comment parler, etc. ?), on a aucune appréhension en marketing (on a jamais entendu parler de ce qu’est un SWOT, le cycle de vie d’un produit, toussa), on ne travaille pas sur des cas pratiques ou très peu, on ne sait évidemment pas se servir des logiciels de PAO et j’en passe et des meilleurs.

Alors comment se fait-il que dans les universités françaises on ne sait que nous apprendre à être de fins analystes et critiques quand d’autres pays savent avant tout préparer leurs étudiants au terrain ? Pourquoi les employeurs vont préférer un étudiant qui sort d’une école de commerce à un autre qui sort de l’université ? Après plusieurs cours suivis ici, j’ai commencé à comprendre que nous avions presque tout faux. J’ai déjà parlé du fait que nos cours étaient trop théoriques et que nous étions mal préparés au monde de l’entreprise. Mais nous avons deux autres torts : les stages et les langues. L’année dernière, pour valider ma première année de master, j’avais 120 heures de stage à effectuer. 120 heures, environ trois semaines à temps complet, une blague. Bien entendu, nous n’avions pas de période réservée pour faire ce stage à part l’inter-semestre et les vacances de Pâques. Allez trouver un employeur qui veut bien vous prendre pour trois semaines de stage… Par ailleurs, que pouvons-nous bien faire en à peine un mois ? Que pouvons-nous bien apprendre ? A un ou deux an(s) de se lancer dans la vie active, on nous propose de faire un stage digne d’un stage d’observation que l’on ferait au collège.

Hey toi !

Le pire, c’est que notre université n’est pas exempt d’étudiants motivés qui veulent multiplier les stages et donc les chances de trouver un emploi sympa mais pour dégoter une autre convention de stage, petit padawan, tu devras te battre contre administration et considérations parfois absurdes. J’ai plusieurs copines qui s’étaient démenées pour trouver le stage de leur rêve, l’une au service Cinéma de Canal Plus, l’autre au service presse d’une maison d’édition de bandes-dessinées et enfin, une autre au service communication des Inrocks. Toutes ont été obligées de batailler pour avoir une convention de stage, trouver le soutien d’un ou plusieurs prof(s) et forcées de justifier la cohérence de leur stage par rapport au cursus suivi quand celui-ci semblait évident ! On marche sur la tête !

Hey toi, bis !

Enfin, autre tort, l’apprentissage des langues. On doit se contenter de deux pauvres petites heures d’anglais par semaine en M1 et en Master de Recherche, rien. Cette critique a déjà été faite de nombreuses fois mais mince, c’est quoi notre problème en France ? Ici, tous parlent au moins deux langues (l’anglais et leur langue maternelle) mais la majorité en parle trois (allemand, italien ou français et anglais). Ils ne le baragouinent pas, non. Ils passent d’une langue à l’autre avec une aisance désarmante. C’est la même chose pour les profs. Ma colocataire m’a dit que c’est parce qu’en Suisse, les cours de langues étaient très importants et que dès le plus jeune âge, on les encourageait à parler d’autres langues que la leur. On le comprend avec la diversité culturelle et linguistique de leur pays mais pourquoi ne prenons-nous pas exemple ?

Un arbre tout nu nel Parco Civico

Je ne veux pas cracher dans la soupe car Paris 3 encourage les échanges internationaux, a de très chouettes projets comme l’émission Décryptage entièrement conçue et animée par des étudiants en Information-Communication, des ateliers pratiques, etc. C’est plutôt le contenu des cours et la façon dont est occultée le but de ce pourquoi nous sommes sur les bancs de la fac qui me déplaît et me fait comprendre pourquoi nous nous classons loin derrière d’autres formations en France comme à l’étranger.

Une rue qui mène au centre ville

Vous l’avez sans doute remarqué, j’avais beaucoup de choses à dire. Cela fait à peine un mois que je suis installée à Lugano et je ne peux m’empêcher de faire la comparaison avec la France. C’est fou, dès que je quitte mon pays, je trouve que c’est mieux ailleurs. Il y a sans doute de la mauvaise foi car à Lugano comme dans le reste de la Suisse, tout n’est pas rose. Il semblerait que ce soit un pays quand même relativement xénophobe par rapport à ce que j’ai pu voir (ce sont systématiquement les gens de couleur ou qui ont l’air un peu originaux qui se font contrôler dans le train et de manière plutôt violente) et par rapport à ce que ma colocataire (suisse allemande) m’a raconté. Il faudrait également parler du coût de la vie qui est très élevé. Tout coûte 15 à 25 % plus cher mais il faut bien évidemment prendre en compte le fait que les salaires soient plus forts qu’ailleurs. Le salaire brut moyen ici est de 5979 CHF soit environ 4960 €, cela relativise donc le total du ticket de caisse après les courses. Ajoutons que les suisses font très peu d’import donc on participe à la bonne santé économique du pays et on le sait, l’économie suisse est l’une des plus prospères du monde.

J’ai encore envie de vous parler d’un tas d’autres choses (les produits bio moins chers qu’en France et très encouragés, le commerce équitable, plein de bonnes choses pour les végétariens, etc.) mais je garde tout ça pour un prochain article, je vous ai suffisamment bassiné pour aujourd’hui ;)

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16 commentaires

  1. Elodie (La P'tite Bulle d'Elo)

    Très intéressant ton article! :) J’aime bien les comparatifs France / Etranger :) Ta nouvelle fac a l’air chouette! Et oui, on a vraiment des lacunes en matière de langues vivantes…. Bisous!

    • LaëtitiaAutrice

      Elle l’est oui ! Je suis vraiment contente de pouvoir y faire un semestre :)

  2. LaëtitiaAutrice

    Oui, les méthodes de recrutement sont aussi très différentes. En France, on se borne trop à un CV et non pas à une personnalité… C’est dommage.

  3. Alice Des

    Tout à fait d’accord pour le manque de préparation aux langues et les stages!
    Le côté théorique n’est pourtant pas si mal à la base (je suis assez fière de ma culture gé comparée à beaucoup d’étudiants, quasiment de même cursus, dans des universités « prestigieuses » canadiennes et étatsuniennes… Après sur le marché du travail effectivement ça ne pèse pas lourd)
    En tout cas profite bien, ça a l’air superbe!

    • LaëtitiaAutrice

      Je suis d’accord avec toi sur la théorie. D’une manière générale, je pense aussi que l’on possède une meilleure culture générale et que l’on sait mieux écrire mais il faudrait que l’on sache tout combiner avec un peu plus de pratique :)

  4. Marine

    Très intéressant ton article, et les photos sont vraiment magnifiques !

    • LaëtitiaAutrice

      Merci ;)

  5. coccy

    J’ai tout lu, et je n’ai pas trouvé ça particulièrement long, peut être parce que c’était intéressant ! Moi aussi j’aimerais parler 2 langue couramment !
    Je parle deux langues, mais je parle mieux le français que ma langue maternelle ! à force de ne parler que français, ben j’ai oublié ma propre langue !
    Je suis portugaise, et je ne parle avec personne en portugais, comme quoi une langue vivante peut s’oublier petit à petit…

    • LaëtitiaAutrice

      C’est certain… Les suisses françaises dans ma classe m’ont dit la même chose. A force de parler allemand et en anglais, les mots leurs viennent plus naturellement dans ces langues qu’en français.

  6. Laetitia (Née dans une rose)

    Salut

    Il y a déjà eu un reportage sur les universités françaises et à l’étranger il y a déjà plusieurs mois et les filles aussi étaient super étonnées du mode de fonctionnement totalement différents du Canada, Etats-Unis, Angleterre etc.

    Ils montraient que les profs au Canada par exemple prenaient le temps de discuter avec leurs élèves pour leur expliquer leur lecons s’ils n’avaient pas compris…Puis les profs aussi sont toujours mis à l’épreuve là bas ce qui fait que le prof veut garder sa place et il est toujours à vouloir donner le meilleur pour ses élèves.

    Puis j’en connais tellement qui ont étudié à l’étranger et qui le disent aussi que les universités en France ont de vraies problèmes et qu’ils sortent sans vraiment avoir acquis toutes les notions de leurs études.

    • LaëtitiaAutrice

      Je ne blâme pas particulièrement les profs parce que j’en ai eu de très bons (d’autres moins évidemment mais j’imagine que c’est partout pareil). Ma directrice de mémoire actuelle (et aussi celle que j’avais l’année dernière) est vraiment disponible pour les étudiants qu’elle dirige. C’est son rôle c’est sûr mais elle n’hésite pas à donner son numéro de téléphone pour qu’on l’appelle si on a des questions urgentes ou pour s’entretenir avec elle si on a pu venir au suivi de mémoire, etc. C’est dire, elle et moi nous nous skypons pour parler de l’avancé de mon travail. On devrait juste revoir les programmes, dans certaines filières en tout cas, pour mieux nous préparer et évidemment mettre bien davantage l’accent sur les langues et les stages :)

  7. Violette

    Bonjour, je voudrais savoir quelle école tu as fait avant de partir en projet Erasmus ? Car je compte aller à l’ISCOM et je me demande si cette école participe a Erasmus!
    Merci de nous faire partager ton expérience :)

    • LaëtitiaAutrice

      Bonjour Violette,

      Je suis en master 2 recherche à la Sorbonne Nouvelle. L’ISCOM n’a pas de programme d’échange ERASMUS dans le sens où ce n’est pas une université/école publique. A ma connaissance, ils ne proposent rien de tel.

      Si tu as d’autres questions, n’hésite pas à m’envoyer un mail (eleusis.megara[at]gmail.com) ce sera plus simple ;)

  8. Justi

    Bonjour !

    Je suis à Paris 3 en licence lettres modernes parcours communication et je voudrais partir en Erasmus (mais moi ce sera plus la Suède ou la Norvège)en M1 info com et je voulais savoir comment se passait la rédaction de ton mémoire en échange et aussi de quelle façon as tu décidé du sujet de ton mémoire ? (c’est une question personnelle mais quelles pistes as tu suivis ?)

    Merci pour tes réponses !

    Bises